Comment la réduction des émissions de CO2 peut-elle influer sur les opérations de dessalement ?

La réduction des émissions de CO2 est un défi mondial qui touche de nombreux secteurs, y compris l’industrie de l’eau. La technologie du dessalement, qui transforme l’eau de mer ou l’eau saumâtre en eau douce, est une solution potentielle à la pénurie d’eau, en particulier dans les zones côtières. Cependant, le dessalement pose également des problèmes environnementaux et de forte consommation d’énergie.

Est-il réaliste de penser que le dessalement peut également suivre la réduction des émissions de carbone tout en restant sûr ? Un moyen direct de réduire l’empreinte carbone du dessalement est d’utiliser des sources d’énergie décarbonées, telles que les énergies renouvelables ou l’énergie nucléaire, pour alimenter les usines de dessalement. Cela permettrait de réduire la dépendance à l’égard des combustibles fossiles et de diminuer les émissions de CO2 et d’autres gaz à effet de serre. Selon une étude des émissions de gaz à effet de serre et des outils d’estimation des systèmes de réutilisation et de dessalement de l’eau, les technologies d’osmose inverse (OI) alimentées par des énergies renouvelables ont des émissions de CO2 inférieures à celles des technologies de dessalement thermique alimentées par des combustibles fossiles. Par exemple, l’empreinte carbone du dessalement par OI de l’eau de mer alimenté par l’énergie solaire photovoltaïque (PV) a été estimée à 0,4 kg CO2 eq/m3, tandis que l’empreinte carbone du dessalement flash multi-étapes (MSF) alimenté par le gaz naturel a été estimée à 6,7 kg CO2 eq/m3.

Le principal avantage de l’utilisation d’une énergie décarbonée serait d’atténuer les effets du changement climatique et de contribuer aux efforts mondiaux visant à limiter le réchauffement de la planète à 1,5 °C par rapport aux niveaux préindustriels. Cela renforcerait probablement la durabilité et la résilience des systèmes d’approvisionnement en eau, tout en réduisant la vulnérabilité aux fluctuations des prix des combustibles fossiles ainsi que leur disponibilité.

Néanmoins, et a priori, l’utilisation d’énergie décarbonée pour le dessalement peut également entraîner certains défis, tels que des coûts d’investissement plus élevés, la faisabilité technique, l’intégration au réseau, l’intermittence de certaines sources renouvelables, la sécurité de l’installation…etc.

À quoi faut-il s’attendre du côté des coûts ? Le coût des opérations de dessalement peut varier en fonction du type de source d’énergie, de la technologie de dessalement, de l’emplacement du cours et de l’échelle de l’usine. On peut raisonnablement estimer que le coût de l’énergie qui représente le coût opérationnel total du dessalement est compris entre 44 % et 77 %. Par conséquent, l’utilisation d’une énergie décarbonée peut affecter le coût opérationnel en fonction du coût de la production d’électricité à partir des différentes sources. Par exemple, selon une étude de l’Agence internationale pour les énergies renouvelables (IRENA), le coût levé de l’électricité (LCOE) de l’énergie solaire photovoltaïque était estimé à 0,05-0,10 USD/kWh en 2020, tandis que le LCOE du gaz naturel était estimé à 0,04-0,14 USD/kWh pour la même année. Cela suggère que l’utilisation de l’énergie solaire photovoltaïque pour le fonctionnement du dessalement peut être compétitive ou même légèrement moins chère que l’utilisation du gaz naturel dans certains cas. Toutefois, d’autres facteurs, tels que les subventions, les taxes, les tarifs et les externalités, peuvent également influencer le coût opérationnel du dessalement à l’aide d’une énergie décarbonée.

Nous avons pu observer au cours des 15 dernières années que le coût de production des énergies renouvelables dépend de la disponibilité/qualité des ressources naturelles, du type et de l’échelle des technologies utilisées, du niveau de concurrence et d’innovation sur le marché, ainsi que des politiques et réglementations qui affectent le financement et l’exploitation des projets d’énergie renouvelable. La situation géographique d’un projet d’énergie renouvelable peut influencer tous ces facteurs, car les régions peuvent avoir des potentiels de ressources, des préférences technologiques, des conditions de marché et des cadres politiques différents. Par conséquent, le coût de production des énergies renouvelables peut varier considérablement d’un endroit à l’autre, et parfois même au sein d’un même pays ou d’une même région.

Cela signifie-t-il que les futurs projets de dessalement devraient déjà inclure une source d’énergie renouvelable sur le site, en fonction du propriétaire du site ?

Nous pouvons répondre « probablement oui », au moins pour garantir l’approvisionnement de cet ingrédient de base de la vie qu’est l’eau… aux citoyens, même dans les moments géopolitiques tendus où la tentation d’utiliser la pénurie d’eau comme un instrument d’influence politique pourrait exister.

Développées dans des laboratoires de R&D au début des années 2000, les « usines de dessalement entièrement autonomes » deviendront-elles la norme d’ici 20 à 30 ans ? Ou bien la dépendance à l’égard des combustibles fossiles se maintiendra-t-elle, offrant aux décideurs le choix unique et sarcastique entre « le CO2 ou l’eau » pour une population terrestre en constante augmentation ?

N’hésitez pas à faire du remue-méninges et à exprimer votre propre point de vue.

Posté par Dr. Lagref Jean-Jacques